Parmi mes plus lointains souvenirs figure mon premier voyage à la « cabane à sucre ». Pourquoi appelait-on cela cabane à sucre et pourquoi on continue de le faire? Je crois que cela est dû à la grandeur des bâtisses de l'époque qui portaient avec justesse le nom de cabane. La bâtisse qui abritait la casserole pour bouillir l'eau d'érable était à peine assez grande pour contenir celle-ci ainsi qu'un peu de bois de chauffage. La résidence pour manger et dormir était à peine plus grande. Comme tout ce travail se faisait avec un cheval, il fallait également une petite écurie pour abriter ce vaillant compagnon de travail. Imaginez ce que pouvait représenter ce voyage en traîneau à cheval pour une gamine de six ans; c'était pour moi toute une aventure. Il y avait beaucoup de choses à voir: les goudrelles, les chaudières avec l'eau sucrée, le sirop, la tire d'érable, les petits cornets de sucre en écorce de bouleau, les pains de sucre dur en forme de maison, en forme de cœur, ou autres modèles. Lors de cette journée, le parrain de ma mère m'avait donné un beau gros coq en sucre. Les différents modèles de pain de sucre étaient sculptés par chaque acériculteur, et ceux-ci donnaient à leurs œuvres des caractères originaux et personnalisés. Aujourd'hui, plusieurs érablières sont modernisées " au boutte ". La tubulure qui amène l'eau vers le concentrateur à osmose, le sirop doré, le sucre mou, les petits cornets modernes, la tire versée sur la neige contenue dans de longs bacs en bois. Dans " mon jeune temps ", on versait la tire sur des bancs de neige foulée au bord du bois. Aujourd'hui, les bâtisses sont très grandes, on peut y servir à manger à des centaines de personnes, avec un menu très varié, des éclairages électriques (plus de fanal à l'huile). Ceux qui ont vécu les années 1920, 1930, etc., ont encore le goût des crêpes, des oreilles de crisses; ils se souviennent du repos sur des " beds " en branches de sapin, les rires et les jeux dans la neige printanière. Le temps des sucres a été pour nous Québécois un temps merveilleux entre l'hiver et l'été. C'est une tradition qui durera encore longtemps. C'est si bon la tire... et ça donne de très bons petits becs sucrés. Bon printemps!

 

Tante Cécile