L’hommage aux bâtisseurs de ce mois-ci parle d’un édifice qui, à une certaine époque était un lieu de rassemblement pour les gens de St-Narcisse. Natif de St-Narcisse, Dominique Landry, fils de Épiphane, partage ses souvenirs de la vieille salle paroissiale.

Bâtiment sacré, on l'a «sacré» de côté, beaucoup trop de pas assez pour continuer sa mission d'évangéliser. On en a construit une neuve de l'autre côté. Je ne l'ai pas vue s'abandonner mais je l'ai vue revivre. Elle s'est trouvée une nouvelle vocation.

Oui, humblement elle a bien servi la population. Ses débuts furent lents; il lui fallait quelques ajustements mais son jubé a fait un bon bout de temps, c'était la place des adolescents. En bas, se plaçaient dans les beaux bancs, les parents, bien sûr M. le Maire et M. le Curé en avant.

La vieille salle paroissiale a précédé de quelques années l'avènement de la télévision. Les premiers films sont arrivés comme une révélation; «Zorro», «Robin des Bois», «Le Comte de Monte-Cristo», «Geronimo chef des Apaches», «Le Cheval Blanc», «Rintintin», etc. et moi qui n'avais qu'un tout petit chien!

Puis, l'autel ayant perdu tous ses pouvoirs fut remplacé par une scène que nous appelions le théâtre. Sous cet espace surélevé, une salle de classe fut aménagée, j'y ai fait ma 5e année. Richard Parent, premier homme à enseigner à St-Narcisse, ne portait pas la robe, «Non Monsieur», grand contraste mais c'était un exemple d'homme, moins de douceur que les sœurs mais plus de rigueur!

Les premiers spectacles vivants sont apparus. «Je fais tout avec mes pieds»: un invalide des bras nous faisait passer une belle soirée; drôle, enjoué jusqu'à jongler et faire des cigarettes avec ses pieds... La salle de classe en dessous, une fois bien rangée servait de salle d'habillage pour les artistes. «Le Grand Marvell» pouvait vous endormir dix à la fois, deux femmes électriques l'accompagnaient, un spectaculaire magicien.

Un jour, c'est la présentation d'un petit ensemble de chanteurs du Séminaire de Rimouski; de belles chansons toutes en français; folkloriques, historiques, de paix, de guerres, même de Félix Leclerc...En avant, près du rideau, se tenait toujours debout, un vieux piano qui s'accordait bien avec les chanteurs, comme de raison il faut lui laisser le premier et le dernier mot. Parmi ces jeunes étudiants chanteurs que nous applaudissions très fort à chaque occasion, il y en avait un plus connu de l'assistance; Gilbert Banville, le gars à M. Baptiste du «Coin de la route» de St-Narcisse. M. le Curé ne manquait pas de le souligner.

Nous étions tous là à l'admirer !

Nombre de rencontres s'y sont tenues; l'Union des Agriculteurs, le mouvement Lacordaire, les sports et loisirs, les Dames Fermières, etc. Deux présidents d'organismes, bons orateurs, Jean-Baptiste Banville et Firmin Canuel ont principalement marqué mon attention par leur passion, leurs connaissances, leurs explications. Oui, parfois ils étaient un peu long mais nous enseignaient tout de leur mission sans note, seul en avant comme des SAVANTS.

Les soirées du Carnaval prirent la scène; il fallait élire une reine pour couronner les festivités. Il nous faut de l'argent pour une autre année de sports surtout du hockey. Je me souviens une année, j'étais encore étudiant à l'École Normale, on m'a demandé d'animer cette soirée. Maître de cérémonie, moi qui me préparais comme maître d'école! J'ai hésité un instant mais j'y ai plongé.

Tout était au menu: musique, chansons, pièces drôles par des jeunes, plus sérieuses par des adultes, sans oublier l'accordéon, la danse, les rigodons... Il faut que je sois à la hauteur sans me gêner en y mettant ma touche à «moé». Deux bons gin avant la soirée, m'ont probablement aidé, mais j'étais bien préparé. Je me suis fait; raconteur, imitateur magicien, même jongleur et enfin présentateur des numéros programmés.

M. le Curé Lamontagne s'est bien amusé, une reine fut couronnée, le président de l'O.T.J. était bien content, ( Gilles Martin dans ces années-là). Les sports sont assurés avec des améliorations encore pour une année. D'autres soirées de ce genre autant avant qu'après se sont déroulées et de bons animateurs se sont dévoués, le succès était toujours assuré.

Sans avertissement, la vieille salle paroissiale est disparue, laissant un grand vide sur le côté de la rue. Seule de l'autre côté, la nouvelle église pouvait célébrer. La municipalité a tout pris en main, construisant un nouveau complexe plein de modernités et bien situé; une grande salle pour les rassemblements de la population et différents locaux pour l'administration.

De mauvaises langues pour satiriser la vieille salle paroissiale, disaient: «C'est à cause du feu, que le diable l'emporte». Pourtant ce bâtiment avait déjà servi d'église pour les habitants...

 

15 septembre 2022