En cette mémorable année du centenaire de Saint-Narcisse, Irène Martin reçoit fièrement le titre de "doyenne de la municipalité".

Fille d’Ernest Martin et d’Ernestine Sirois, Irène voit le jour à Trois-Pistoles, le 15 octobre 1923, et occupe le deuxième rang de la fratrie composée de trois filles et quatre garçons. En 1924, Irène arrive à Saint-Narcisse avec sa famille qui s’installe au 5e rang est (Chemin Duchénier) puis, au village et finalement, début de 1930, au 6e rang ouest (Chemin des Trois Lacs).

À partir de six ans, Irène est témoin de toutes les étapes de la colonisation. Elle est assignée très tôt aux différentes tâches domestiques tant à la ferme qu'à la maison. Elle se voit confier de légers travaux: soin des petits animaux, récolte, sarclage, cueillette au jardin, cuisine et ménage. Habile, elle maîtrise rapidement les rudiments du tricot et de la broderie. Elle parvient même à jouer de la musique grâce à son frère aîné qui lui cède volontiers son accordéon. Sa qualité d'élève studieuse lui confère la chance d'être souvent première de classe. Sa motivation accentue son désir d'apprendre pour devenir enseignante. Au fil du temps, les charges familiales augmentent et sa collaboration devient indispensable à la maison. Irène s'absente sporadiquement de l'école de sorte qu'elle peine à terminer sa quatrième année. Elle renonce donc à un retour permanent aux études et se résigne, hélas, à abandonner son précieux rêve.

Considérant l'important sens des responsabilités de sa fille, le paternel n'hésite pas à la recommander aux familles voisines pour les "relevailles" après l'accouchement.

En 1939-1940, elle est embauchée par Monsieur Philippe Pigeon comme aide-ménagère pour palier aux besoins des travailleurs de la scierie qui doivent être nourris et parfois hébergés. Elle y rencontre plusieurs prétendants mais, parmi eux, Émilio Gosselin parvient à la séduire rapidement. L'attirance est réciproque et les fréquentations s'amorcent un peu plus tard.

Vers 1941, Monsieur Albert Lavoie requiert les services d'Irène à sa résidence car sa première conjointe vit des problèmes de santé. La nouvelle engagée déploie toutes ses énergies et ses talents pour répondre aux attentes de ses maîtres. Elle occupe cet emploi jusqu'en mars 1945 et décide d'aller travailler quelques mois à l'Hôtel Saint-Louis de Rimouski (aujourd'hui résidence d'étudiants) comme aide-cuisinière. Elle réussit à parfaire ses connaissances en art culinaire et à garnir son portefeuille en prévision de son mariage, à l'été. 

L'union d'Irène et d’Émilio est bénie le lundi 9 juillet 1945 à l'église de Saint-Narcisse. Jeune épouse, entre 1946 et 1952, Irène donne naissance à quatre enfants: Jean-Yves, Lise, Jeannot et Claudette. À la fin de l'hiver 1951-1952, en poussant la corde à linge, elle chute sur le banc de neige en bas de la galerie. Les jours suivants, elle ressent quelques douleurs à l'abdomen; plutôt de s'apaiser, les douleurs s'intensifient à chaque semaine. Son état de santé se détériore graduellement. Le diagnostic tombe, son rein droit est détaché et cause une intoxication majeure dans l'ensemble de son corps. Son médecin lui recommande l'opération d'urgence puisque ses chances de survie s'amenuisent de jour en jour. Ses quatre enfants sont pris en charge par des parents et dispersés dans les foyers. Émilio fait un emprunt colossal pour défrayer les coûts faramineux d'hospitalisation et coordonne le voyage en train à l'Hôpital Hôtel Dieu de Québec.

Heureusement, Irène s'en sort miraculeusement grâce aux bons soins des chirurgiens, à sa foi et à sa confiance en la vie. Deux ans plus tard, elle reprend le contrôle de la maisonnée avec vigueur et enthousiasme pendant qu'Émilio s'active au chantier. En 1955, elle accueille son cinquième enfant, France et, en juin 1959, Renaud complète la famille. Malheureusement, ce dernier décède tragiquement le 3 juin 1977 et cause un vide incommensurable dans le coeur de cette courageuse maman.

Femme travaillante, Irène s'adonne à différentes activités au gré des saisons: au printemps grand-ménage, en été cueillette des petits fruits, confitures de fraises des champs (au delà de cent pots) potager et fleurs, en automne et en hiver couture et tricot. Ainsi, elle pourvoit incessamment au bien-être de sa famille. Elle s’implique également au niveau social comme membre actif de L'AFÉAS (association féminine d'éducation et d'action sociale) et du Club de l'Âge d'or. Excellente cuisinière, elle apporte sa contribution dans les festivités paroissiales en concoctant des cipailles et des pâtisseries. Elle participe également aux rencontres scolaires pour suivre l'évolution et le cheminement de ses enfants. La musique et la danse, ses loisirs préférés, occupent bien les moments libres des samedis ou des dimanches. Elle "swigne la bacaisse" chez Joe Ouellet, route Taché ouest au début des années 1960, ensuite à l’Hôtel Lepage de Saint-Blandine et finalement à l'Hôtel April de Saint-Narcisse

En 1980, Irène et Émilio quittent l'habitation du 66 de la Montagne (Dominic Albert) et s'installent dans leur nouvelle maison du 70 de la Montagne (propriété actuelle d’Yves Gagné). Passionnée d'horticulture, Irène s'investit dans l'aménagement paysager de la cour et démarre un immense potager. L'attention et les bons soins prodigués à ses plantes, lui valent d'être récipiendaire de plusieurs prix du concours "Village Fleuri".

En juillet 2006, avec son bien-aimé, elle quitte son domicile. Elle part vivre dans la résidence pour aînés gérée par son fils Jean-Yves et sa conjointe. Le 21 avril 2016, après 71 ans de vie commune, son tendre époux décède et le 2 juillet 2018 elle subit la perte de son fils aîné. Ces pénibles départs jettent encore de l'ombre sur son quotidien.

Irène demeure actuellement aux Résidences de l'Immaculée à Rimouski. Rendue quelque peu vulnérable par la maladie et la vieillesse, elle possède toujours une incontestable volubilité et nous démontre sa grande fierté. Elle impressionne par sa forte résilience et son infinie bonté.

Irène a accompli sa mission en transmettant le respect, l'authenticité et la loyauté. Sa principale raison de vivre est sa famille et sa descendance de 15 petits-enfants et 25 arrière-petits-enfants à qui elle témoigne sans cesse beaucoup d'affection.

Merci à notre chère maman pour sa bienveillance, son écoute attentive, sa tendresse et son amour inconditionnel. Nous lui adressons notre vive reconnaissance et notre profonde gratitude pour son indéfectible accompagnement qui a façonné les êtres que nous sommes aujourd'hui.