Mon bien-aimé Papa,

C’est en réponse à l’aimable invitation de Mme Pierret Bélanger du journal L’interactif que je prends la liberté de vous adresser cette « Lettre à mon père », afin de souligner sans prétention votre parcours de vie, dans le cadre de l’Hommage aux bâtisseurs, en digne fils de cette famille de forestiers qui a pris racine à St-Narcisse-de-Rimouski.

Voilà une initiative touchante et qui tombe bien, en cette année marquant le 30e anniversaire de votre décès soudain survenu accidentellement le 2 février 1988, à l’âge de 59 ans, alors que vous étiez en direction de votre chantier forestier et aux commandes de votre entreprise Transport J.M. Thibeault et Fils. En plein cœur de l’hiver et dès l’aube, vous avez embrassé la femme de votre vie, Yvonne (Gagné) avant de partir pour ne plus revenir. Celle avec qui vous aviez partagé plus de 37 années de vie et qui vous avait donné six (beaux) enfants (Jocelyne, Jeannot, Nelson, Guylaine, Dany et Nancy). On dit que la vie peut basculer en une fraction de seconde. C’est ce qui arriva subitement, ce matin glacial de février, à ma maman et à ma famille. Souvenirs encore bien vivants, Papa, malgré et au-delà de tout ce temps.

Qu’il me soit permis de vous rappeler que vous avez travaillé, encore tout jeune, pour votre père (Arger), au moulin à scie situé au coin du rang 5 Est, avec vos oncles et vos nombreux frères dans une famille de douze enfants vivants. Il y avait de l’animation dans cette maison familiale fréquentée par des coupeurs de bois, scieurs, draveurs, transporteurs et camionneurs où la cuisine était dirigée sous la main ferme de votre mère, ma grand-mère, Claire (Gagné). Vous avez également vécu l’ennui des longs chantiers d’hiver loin de vos proches, trimant dur et camionnant dans des conditions souvent difficiles. Entrepreneur dans l’âme, à la suite à votre mariage en 1951, vous avez procédé à l’acquisition du magasin général au « Coin de la route », propriété de M. Jacob Lizotte, qui était sous la gouverne aguerrie de maman, du matin jusqu’au soir, durant plus de 15 ans, soit jusqu’en 1967.

Du modernisme est née votre passion des camions. Déterminé à suivre votre propre chemin, vous avez décidé d’acheter votre premier camion en 1956. Prenant la voie du développement avec de nouvelles acquisitions (camion, chargeur, tracteur, machinerie de toutes sortes, construction du garage, etc.), vous avez bâti, au fil du temps, Transport J.M. Thibeault et Fils, toujours épaulé et encouragé par votre Yvonne et appuyé par vos fils, Dany et Jeannot avec qui vous avez partagé votre passion des camions Comme bien d’autres, vous avez eu vos bons coups et vos mauvais coups, vos revers, à traverser les années de prospérité, les crises économiques et les périodes d’austérité, sans jamais altérer votre cœur vaillant. Entrepreneur, vous avez aussi contribué à l’activité économique de votre coin de pays, en donnant du travail à des pères de familles et en leur permettant de gagner honorablement leurs vies. Homme de peu de mots mais d’une grande bonté, Chevalier de Colomb (4e degré), c’est par vos actions que vous avez été généreux pour votre paroisse.

Que dire du père aimant, sinon lui exprimer toute ma reconnaissance pour mes joies d’enfant. Une orange « Crush » avec vous en camion, un pipo fait de vos mains, une maisonnette, une belle bicyclette toute neuve dans la boîte du pick-up, un bon film ensemble, je me rappelle de vous comme si c’était hier.

Après votre départ, nous avons su nous soutenir les uns les autres. Notre famille a vécu de grands bonheurs avec les naissances et les mariages. Elle a pris de l’expansion et compte plus de quinze petits-enfants et quinze arrière-petits-enfants qui assurent votre descendance. Bien malgré nous, la vie s’est chargée de nous apporter également notre lot de malheurs. De vos six enfants, nous ne sommes plus que quatre désormais, car nous avons aussi pleuré la mort de ma sœur aînée, Jocelyne (1952-2004), et de mon grand frère, Jeannot (1954-2017), qui ont fait preuve de courage et de combativité face à l’adversité de la maladie.

Avec l’espoir que mes mots parviennent jusqu’à vous, je vous garde toujours, Papa, près de mon cœur. Par cette « Lettre à mon père », puissiez-vous y lire tout mon respect, mon admiration et l’expression de l’amour véritable d’une fille à son père qui porte fièrement votre nom. Aucun autre lien ne pourra effacer ces souvenirs de vous qui me sont si chers.

Sachant que l’amour d’un père ne meurt jamais, mes frères, Nelson et Dany et ma soeur Nancy unissent leurs voix à la mienne pour saluer, avec amour et fierté, notre "bâtisseur".